Le design ou la
stylique est une discipline visant à représenter
concrètement, une pensée, un concept ou une
intention en tenant compte éventuellement d'une ou des
contraintes fonctionnelles, structurelles, esthétiques,
didactiques, symboliques, techniques et productives. Ces
représentations peuvent être tangibles ou virtuelles et
s'inscrivent de préférence dans un contexte social,
économique, culturel.
"Histoire"
Naissance du
design:
Dans un contexte
d'une industrie émergente à partir de 1850, Michael
Thonet développe un procédé de fabrication
révolutionnaire, le cintrage de bois laminé, courbé sous
pression à vapeur. Sa chaise « n°14 » devient une
référence, vendue à 50 millions d´exemplaires entre
les années 1859 et 1914.
Chaise Thonet "
n°14".
En
1888, Arts & Crafts naît
de l'association du critique
d'art John Ruskin et
de l'écrivain,
peintre, décorateur et théoricien William Morris. Morris
et ses amis veulent créer
des formes nouvelles en accord avec la fonction des objets et
prônent paradoxalement le
retour au Moyen Âge et aux formes inspirées par la nature. Ils
souhaitent rapprocher
le concepteur et le destinataire du produit par la mise en place
d'ateliers car
ils dénoncent
le côté aliénant et inhumain de l'industrie. William
Morris défend le
bel ouvrage et le travail artisanal du
compagnonnage et l'oppose
au produit industriel de qualité médiocre. Bien
que très contesté, William
Morris apparaît encore comme une figure fondatrice du design.
Papier peint de
William Morris.
Dès 1902, Peter
Behrens réalise le premier design industriel global pour AEG :
l'usine des turbines, des objets électriques, le logo, etc.
Le
logo AEG par Peter Behrens.
En 1911, Josef
Hoffmann achève le Palais Stoclet, fabuleuse
villa urbaine conçue comme une œuvre d'art totale pour
le compte d'un financier belge.
*Charles Rennie
Mackintosh et Frank Lloyd Wright, à la même époque,
posent les bases des lignes épurées et simplifiées qui
vont devenir le synonyme de « design », en
construisant villas et mobilier pour la bourgeoisie
américaine ou écossaise avide de nouveautés.
Palais Stoclet par
Jasof Hoffmann.
Le
fonctionnalisme:
Le fonctionnalisme
est une doctrine esthétique qui peut se
résumer par la célèbre expression de Louis Sullivan,
« la forme suit la fonction ». Né à la fin du xixe
siècle, il engendre l'école de Chicago, puis le Deutscher
Werkbund, les Wiener Werkstätte ainsi que le Bauhaus.
Pour Louis Sullivan, le fonctionnalisme est le
résultat d'une observation et d'une compréhension des
processus évolutionnistes de
la nature. Chaque
forme à une nécessité, il n'y a pas de superflu dans la
nature bien qu'elle soit « séduisante ».
Bien que le
concept fonctionnaliste paraisse très simple, il y a eu
beaucoup de divergence sur les interprétations et en
particulier sur la définition de la fonction. C'est ainsi que
rationalistes (« la fonction, c'est ce qui est utile ») et
expressionnistes (« les émotions sont aussi une fonction »)
se revendiquent également fonctionnalistes. Le
fonctionnalisme domine le design moderne jusqu'à sa remise en
cause par certains post-modernes à partir de 1968.
Fallingwater house
( ou Maison sur la cascade) en 1936 en Pennsylvanie par Frank Lloyd
Wright.
Le Bauhaus et les
années 1920:
En 1919, Walter
Gropius, dans le Manifeste du Bauhaus, annonce le but de ce
mouvement en ces termes : « Le but final de toute activité
plastique est la construction ! Architectes, sculpteurs,
peintres, nous devons tous revenir au travail artisanal,
parce qu’il n'y a pas d'art professionnel. Il n’existe
aucune différence essentielle entre l’artiste et
l’artisan. Voulons, concevons et créons ensemble la
nouvelle construction de l’avenir, qui embrassera tout en
une seule forme : architecture, art plastique et peinture ».
Le Bauhaus a été
une formidable pépinière de talents et un extraordinaire outil
de la promotion d'un modernisme « progressiste » qui,
contrairement au modernisme conservatif, n'hésite pas à mettre
les mains dans le cambouis de la production de masse.
Quelques designers
:
Ludwig
Mies van der Rohe, Marianne Brandt, Marcel Breuer, Le Corbusier
et Charlotte Perriand, le néerlandais Gerrit Rietveld, auteur
d'une célébrissime chaise cubiste. Les
régimes totalitaires (rappelons que l'un des premiers gestes
des nazis une fois arrivés au pouvoir, est de fermer le
Bauhaus) ne sont pas antithétique avec le design
: Giuseppe Terragni pour
l'Italie, Lazar
Lissitzky et Alexandre Rodtchenko pour
la Russie, illustrent le versant «
social » du design : offrir des beaux objets au plus grand
nombre de consommateurs possibles. Plus
au nord, la Scandinavie fait preuve d'un extraordinaire regain
de créativité illustré par Alvar Aalto en
Finlande et Bruno
Mathsson ou Wilhelm Kage en
Norvège.
La chaise rouge et
bleue de Gerrit Rietveld.
Grande crise et
années 1930:
Avec les années
1930, la créativité et la théorisation du design traversent
l'Atlantique. Raymond Loewy écrit « la laideur se vend
mal » et propose de donner une valeur esthétique et symbolique
forte aux objets manufacturés pour relancer l'économie. Outre
la Cadillac, la bouteille pour Coca-Cola, il dessine aussi le
paquet de cigarettes des Lucky Strike et fait apparaître
la marque déposée et le logo publicitaire sur les deux faces
du paquet. La marque sera identifiable sur tous les paquets
jetés dans la rue.
Loewy n'est pas
isolé, Walter Dorwin Teague, Wells Coates, Russel Wright ou
Henry Dreyfuss représentent cette créativité
américaine qui s'affirme et à laquelle l'industrie du
pays offre de larges débouchés.
La foire
internationale de New York ouvre ses portes en avril 1939 pour
célébrer la confiance regagnée après des années de crise,
les designers américains sont à l'honneur dans cette
exposition universelle qui accueille avec un sens du temps
malheureux « le monde de demain ». Lorsqu'elle
ferme ses portes la Seconde Guerre mondiale a éclaté et les
efforts des designers pour rendre le monde un peu plus beau,
un peu meilleur, sont relégués au second plan.
Croquis
de Raymond Loewy de 1963 d'une éventuelle Studebaker de sport.
Après-guerre et
design organique:
La période
d'après-guerre que Penny Sparke appelle le
néomodernisme présente une large adoption par les designers
des deux bords de l'Atlantique de formes fluides, rondes,
souples et qui vaut au design d'être qualifié d'« organique
».
Alvar Aalto
instaure dans ses réalisations de mobilier le procédé du
lamellé-collé de bois déjà utilisé dans l'architecture
depuis le début du xxe siècle.
Au niveau
des matériaux, le
tube d'acier, omniprésent dans le design des années 1930, se
voit remplacé par les plastiques.
De Scandinavie
viennent aussi Arne Jacobsen et sa fameuse chaise Fourmi
ou son fauteuil Œuf, Eero Saarinen et sa chaise
Tulipe alors que les formes totalement organiques
du terminal TBWA de l'aéroport international John-F.-Kennedy
(1956-1962) séduisent le public.
Le céramiste
et verrier Kaj Franck, l'ébéniste Hans Wegner, le
touche-à-tout Tapio
Wirkkala complètent la
série de l'éclosion artistique scandinave.
Parmi les
designers de cette époque phare - les fifties
américaines battent leur plein - mentionnons les
Américains Charles et Ray Eames ou George Nelson. Eliot
Noyes, actif auprès d'IBM, donne une forme
organique et sympathique aux machines à écrire produites pour
la bureautique - on lui doit aussi le pavillon
IBM lors de l'Expo 1964 à New York.
Les Italiens
Gio Ponti, Carlo Molino, Marcello Nizzoli accompagnent le
boom de l'industrie italienne de l'après-guerre et créent
les icônes de La Dolce Vita : vespa, machine à expresso,
belles carrosseries, etc. On doit à Flaminio
Bertoni les lignes des Citroën depuis la Traction Avant en
passant par la 2CV jusqu'à la DS.
En Allemagne, la
tradition artistique issue du Bauhaus renaît avec la
Hochschule für Gestaltung Ulm. Parmi les designers
allemands de cette période, citons Hans Gugelot, Dieter
Rams prend la direction artistique des produits Braun GmbH.
Au Royaume-Uni,
Ernest Race crée un style « moderne », l'équivalent pour le
design du New Look de Christian Dior, immédiatement
repris dans toute l'Europe.
Robin Day et sa
femme Lucienne, nous ont laissé des textiles au
style fifties immédiatement reconnaissables.
Douglas Scott
dessine le bus rouge à impériale, devenu depuis l'une des
icônes anglaises.
Le Japon, autres
puissances industrielles de cette époque, ne nous ont pas
laissé de designer de premier plan mais le design, anonyme,
produit par les équipes de sociétés comme Sony
témoigne d'un fort professionnalisme dans au Japon...
La Tulip Chair
d'Eero Saarinan, 1956.
Discipline et
Sous-disciplines du design:
-Le designer se
caractérise de l'artisan par le fait qu'il n'est pas
spécialiste d'une matière (bois, métal, plastique, etc),
du technicien par le fait qu'il n'est pas spécialiste
d'une technique et de l'ingénieur par le fait qu'il traverse
les domaines du savoir de façon transversale. En cela,
on peut le rapprocher du chef d'orchestre ou du réalisateur au
cinéma.
-Le design se
conçoit comme une navigation permanente entre l'unité
et le global, entre la pensée (dessein) et la pratique
(dessin). En cela, on peut rapprocher cette démarche
de celle de la pensée complexe et de la systémique.
-Le design ne
consiste pas à accumuler des savoirs mais plutôt à créer,
par la compréhension, des liens logiques entre des choses
(flux, concepts, images, symboles, etc.).
Bien que le
design soit par essence non-spécialisé et couvrant des
domaines très variés, une tendance à la séparation en
sous-disciplines s'est faite progressivement en raison
:
-Du paradigme
occidentale actuel fondée sur la disjonction (au xviie siècle)
et la spécialisation ensuite (xixe siècle) pour servir une
volonté de maîtrise.
-De la réalité
professionnelle en entreprise qui exige davantage une
spécialisation par domaine. D'où, une
tendance pour les
écoles professionnalisantes de sectoriser leurs formations.
-D'une tendance à
une définition de « design » anglo-saxon pour des métiers déjà
existants : scénographie se nomme de plus en plus design
d'espace. Essentiellement, pour des raisons de valorisation.
Game design est
préféré pour les mêmes raisons à infographie. Ce dernier
point n'est pas valable pour le Canada francophone, où la
tendance aux anglicismes est combattue âprement par
l'élite intellectuelle et artistique, grande créatrice
et consommatrice de design.
-D'une certaine
confusion : initialement, il y a une distinction entre le design
graphique (pratiqué par un designer pour servir un design
global) et le graphisme, une discipline autonome qui possède
sa propre histoire remontant au première trace de l'homme
dans les grottes de Lascaux.
-Et des nouveaux
terrains du design nécessitant de nouvelles formulations :
design sensoriel, motion design, parametric design, etc.
Les séparations
se font par :
-Finalité
typologique : design d'espace, design produit, motion design,
design graphique, design sonore, web design, design transport.
Ce sont les sous-disciplines classiques fondées sur la
spécialisation, et l'acquisition de savoir et d'outils propres
à chaque domaines. La finalité de ces sous-disciplines
est essentiellement de l'exécution.
-Mode d'action,
d'intention ou de processus : design industriel, Éco-conception,
Design pédagogique, Design interactif & numérique, Design
stratégique, parametric design, design de recherche,
design d'auteur. Fondés davantage sur un positionnement et une
stratégie de création. Les compétences sont centrées
davantage sur la réflexion que sur les acquis.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire