Un soir de pavés mouillés et de désespoir, Alberto Giacometti rentre chez lui, la tête basse protégée par son imperméable, souffrant le spleen indicible de l'échec. Semblable à cette célèbre photo prise par Cartier-Bresson, rue d'Alésia. "Je me suis senti comme un chien alors j'ai fait cette sculpture" écrira-t-il plus tard pour expliquer cet autoportrait époustouflant et dramatique. Animal au long cou, espèce de chien frêle, famélique, la peau collé aux os, les pattes enracinées au socle englobant ; malgré tout, il persévère ; insatiablement, il avance ; il vit. Autoportrait et objectivation de la condition humaine car Giacometti porte en lui, en plus des tourments singuliers, les angoisses et les fardeaux de l'homme rivé au monde sans raison légitime. Artiste en puissance dans son atelier de la rue Hippolyte-Maindron, il fut celui que l'obscurité de l'essence du monde a traversé.
La guerre est là qui affecte considérablement l'artiste. Durant cette période, les sculptures de Giacometti deviendront de plus en plus petites au point de pouvoir tenir dans une boite d'allumettes. Si la quête de l'essence, de l'immuable, aux dépens du détail, le pousse à la réduction, il est certain que la guerre et son lot de barbaries et de crimes l'incitent à une vision plus en plus angoissée du monde. Plus l'homme souffre de sa propre inhumanité, plus les figures rapetissent au point de se fondre dans leur socle. Prenant la mesure de l'angoisse existentielle, de la fragilité et de la solitude de l'homme, Giacometti s'ouvre alors de nouvelles voies vers la création.
"Libre d'exprimer ses pulsions sexuelles ('Hommes et femmes'), sadiques ('Femmes égorgées'), le travail de Giacometti se fait de plus en plus abstrait."
La forêt, 1950 (Sourcetwokitties.typepad.com )
Trois hommes marchant II , 1949, sculpture en bronze peint Metropolitan Museum of Art (sur Wikipédia)
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